le siècle des lumières

Wednesday, December 17, 2008

Du contrat social

traité philosophique de Jean-Jacques Rousseau, publié en 1762 à Amsterdam sous le titre complet Du contrat social ou Principes du droit politique.

Le premier jet d’une espèce de « traité théologico-politique » remonte à 1754, époque à laquelle Rousseau, redevenu Genevois et protestant, prend ses distances avec l’Encyclopédie. En 1758, brouillé avec Grimm, Voltaire et Diderot, il trouve asile dans la « demeure enchantée » de Montmorency, où il compose trois œuvres inextricablement liées par la même actualisation de la République de Platon : la Nouvelle Héloïse, Émile, et Du contrat social, interdit dès sa parution, à Paris comme à Genève.

Rousseau établit que toute légitimité politique se fonde sur la communauté et la volonté générale. Ainsi, si nul n'a le droit d'aliéner au profit d'un autre sa liberté morale et civique, il est souhaitable que les hommes concluent entre eux un pacte, un contrat : l'individu renonce à une liberté absolue et se soumet aux règles dictées par l'intérêt général. En échange, la communauté garantit la sécurité de chacun et le respect des règles et des droits ainsi établis.

Rousseau s'inspire en partie des idées de Montesquieu et des théories de Hobbes et Locke. Le Contrat Social est essentiel dans l'histoire des idées politiques : les révolutionnaires, comme Robespierre ou Saint-Just y trouveront une source d'inspiration, ainsi que la déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789.

« Chacun s’unissant à tous n’obéit pourtant qu’à lui-même. »

Dans le cadre d’une interrogation sur les fondements de l’autorité politique et sur les modalités qui en garantissent ou non la légitimité, les quatre livres du Contrat social développent la thèse selon laquelle il est logiquement impossible que l’être humain soit dépossédé de sa liberté et de ses pouvoirs. Si tout pouvoir politique est affaire de convention, alors il doit être légitimé, nous dit Rousseau. Une fois écartée la théorie du droit divin, reformulée au xviie siècle par Bossuet, au motif que nul n’est absolument sujet, on se rend compte que le nœud de la question est identifiable aux théories de Grotius et de Hobbes (Léviathan), et, plus largement, à celle du droit naturel. Car une telle formulation, qui est en soi un « monstre théorique » (comme ses explicitations : « droit du plus fort », « droit de la guerre ») puisqu’elle attelle des notions physiques à des concepts juridiques, montre que ce ne peut être qu’une propagande désastreuse : elle a en effet convaincu les hommes de s’abandonner à l’idée, inacceptable sauf au prix d’une perversion de la langue, d’un droit généré par « l’état de nature » qui ne fait que légitimer l’asservissement du plus grand nombre et générer l’oubli de leur définition originelle qui est liberté.

Les seules conventions possibles, sources d’une autorité légitime, sont donc celles qui font accéder à une conscience de « l’homme en général », que porte en lui chaque individu particulier et qui le rend désireux — et capable — de s’aliéner de son plein gré à un « tout », en estimant n’obéir librement qu’à lui-même. C’est le cœur du pacte ou contrat social, qui seul autorise, par l’engagement libre des volontés, la conciliation entre liberté individuelle et sécurité. On reconnaît le modèle de la « Divine Charité » de saint Paul dans ce don total à un transcendant qui, en retour, met les individus en relation d’égalité citoyenne. D’où le dédoublement singulier, sur lequel s’arrête le livre II, d’un citoyen simultanément sujet et souverain, seule forme d’organisation apte à empêcher les intérêts privés de tuer le corps politique en lui opposant la « volonté générale », inaliénable. Sur cette base, le livre III envisage les lois comme la manière de réguler le « gouvernement », qui doit n’être qu’un simple exécutant de la volonté générale, soumis à la puissance législative, ce souverain lieu et source du lien social. D’où la nécessité d’un contrôle par le peuple de ses institutions, en particulier cléricales, avec, au livre IV, contre les immixtions des religions dans le politique, la définition d’une « religion civile », formulation politique du Dieu « sensible au cœur », celui même que le vicaire savoyard enseigne à Émile.

Une œuvre clé à l’origine de la philosophie politique moderne

Il faut rappeler, avec Henri Guillemin, l’interdiction genevoise du Contrat social. Car c’est là où le pouvoir de l’argent a usurpé le pouvoir politique qu’apparaît particulièrement insupportable l’idée selon laquelle des « gueux » peuvent participer à ce pouvoir au titre de citoyens également libres. C’est dire la dimension en soi provocatrice de l’attachement de Rousseau aux énoncés évangéliques, cette invention de l’égalité politique sur le modèle de la fraternité en Jésus, de ses principes calqués sur le schéma de la Charité paulinienne. Car Rousseau veut la « Cité des hommes » réalisant la « Cité de Dieu » de saint Augustin. Ce livre d’un homme « fou et génial », selon le mot d’Éric Weil, va faire de lui un persécuté, recherché par les autorités, trahi par ses anciens amis. Mais il faut ajouter : « livre à refaire », à ses propres yeux, car voulant résoudre « la quadrature du cercle » qu’est l’articulation du général et du particulier, de la liberté et du pouvoir, esquivant les rapports entre les États-nations. Il reviendra à Kant de lire Rousseau « d’un point de vue cosmopolitique », de radicaliser son citoyen en « citoyen du monde », son état social en « société des nations », « administrant le droit de façon universelle ». Au cœur de ce qui sera la formulation achevée de la philosophie politique moderne, le Contrat social demeure l’insurrection rousseauiste de la volonté politique contre les prétendues « lois » de l’économie.

( Azadunifr )

Du contrat social [ sur le net ]
Du contrat social [ 2 ]

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