le siècle des lumières

Monday, December 15, 2008

Neveu de Rameau

roman dialogué de Denis Diderot, dont la publication a connu bien des vicissitudes.

Le Neveu de Rameau ou La Satire seconde est une conversation philosophique imaginée et écrite par Denis Diderot entre Lui (Jean-François Rameau, neveu du célèbre musicien) et Moi, philosophe.

Les thèmes récurrents de la discussion sont l’éducation des jeunes filles, la place de l’homme de génie dans la société, la musique… La conversation à bâtons rompus évoque ou égratigne çà et là des personnages de l’époque, tels le dramaturge Palissot, Bertin et sa maîtresse Mademoiselle Hus, la comédienne Mademoiselle Clairon.

Dans le prologue qui précède l’entretien, Moi présente Lui comme un original, excentrique et extravagant, plein de contradictions, « composé de hauteur et de bassesse, de bon sens et de déraison ». Effectivement provocateur, Lui prône le vol, le crime, et élève l’or – qu’il adore – au rang de religion. Moi semble avoir un rôle didactique ; c’est parfois le neveu qui parvient à imposer une vision peut-être immorale mais cynique de la vérité.

En fait, bien que réels, les deux personnages sont ici allégoriques et le dialogue est surtout celui de Diderot avec lui-même à propos de la vie et de la morale.

Diderot s’interroge sur le rôle et les pouvoirs du philosophe. Celui-ci semble un étranger au monde dans lequel il vit, un homme qui défend le génie, la raison, la vertu et l’honnêteté, sources d’un bonheur supérieur au plaisir des sens. Le neveu de Rameau expose une vision matérialiste de la vie. Les hommes, pour satisfaire leurs besoins, se soumettent et s’éloignent des valeurs défendues par le philosophe et la philosophie serait irréaliste. Cependant, la vie du neveu parait vide et improductive, inutile et vaine. Il n’a rien fait là où le philosophe travaille pour le bien de l’humanité.

Une histoire compliquée

L’œuvre constitue une réponse moqueuse à la pièce la Comédie des philosophes (1760), de Palissot, ennemi des encyclopédistes. Diderot en profite pour prendre parti dans la querelle des Bouffons (1752), qui oppose les défenseurs de l’opéra italien — dont il fait partie — aux tenants de la tragédie lyrique française, illustrée par Rameau. Sans doute remanié en 1777, le texte n’est pas publié mais distribué sous forme de copies aux amis, avant d’être traduit par Goethe en 1805, retraduit en français en 1821, puis finalement publié d’après copie manuscrite de Diderot retrouvée par hasard en 1890.

Une figure originale

Au cours d’une de ses promenades habituelles, le philosophe, alias Moi, rencontre au café où il s’est abrité le neveu du célèbre compositeur. Les deux hommes entament une conversation à bâtons rompus dans laquelle leurs points de vue s’opposent plus souvent qu’ils ne se rejoignent. « Impertinent raisonneur », le neveu, alias Lui, contredit le philosophe : le génie est inutile, la vertu conduit à la misère et le bonheur se mesure aux biens matériels. Il fait l’éloge de l’hypocrisie, de la flatterie et de la richesse, seul état souhaitable auquel on se doit de parvenir par tous les moyens. Il défend ainsi son rôle de parasite bouffon, taillable et corvéable à merci, grâce auquel il peut manger à sa faim. Pénétré de sa supériorité intellectuelle, il se moque alors de la vanité et de la fatuité des nobles qu’il sert. Il accompagne ses propos de pantomimes par lesquelles il imite les postures des hommes qu’il côtoie. L’entretien s’achève sur la pantomime des gueux, qui n’est autre, selon le philosophe, que le « grand branle de la terre » dont aucun homme n’est exclu, sinon peut-être les philosophes.

« Moi et Lui »

Récit, théâtre, dialogue philosophique et traité d’esthétique, le Neveu de Rameau est un texte protéiforme. À travers la figure du neveu de Rameau, Diderot envisage un point de vue totalement divergent du sien. Le dialogue entre Moi et Lui est emblématique de son goût du paradoxe : Moi, sage, philosophe, sûr de lui et des valeurs « supérieures » qu’il défend, écoute et regarde, à la fois amusé et agacé, Lui, original qui se comporte comme un « fou » de carnaval. Mais il reconnaît que sa pensée est « un grain de levain qui fermente » et le point de vue du neveu pourrait bien être la face cachée du sien. Le neveu, en effet, par ses arlequinades gestuelles et verbales, « fait sortir la vérité » et dénonce une société où règnent masques et mascarades et dont il est un produit lucide. Désabusé et cynique, il inverse les rôles : c’est la position du philosophe qui devient originale, peu commune.

Le Neveu de Rameau [ sur le net ]
Le Neveu de Rameau [ 2 ]

Azadunifr

0 Comments:

Post a Comment

<< Home