Publié en 1762, comme son titre l’indique, l'Émile, ou De l’éducation de Jean-Jacques Rousseau est un traité d’éducation ou, aussi bien, un traité sur « l'art de former les hommes ». Il demeure, aujourd’hui encore, l’un des ouvrages les plus lus et les plus populaires sur le sujet, à tel point qu’au Japon, l’autorité du développement de l’enfant impose à tous les instituteurs d’écoles maternelles la lecture de l’Émile.
Les quatre premiers livres décrivent l’éducation idéale d’un jeune garçon fictif, Émile, et sont ordonnés chronologiquement, abordant, étape par étape, les questions éducatives qui émergent à mesure qu’il grandit. Le dernier livre traite de l’éducation des filles à partir d’un autre exemple fictionnel : Sophie, élevée et éduquée pour être l’épouse d’Émile.
Parallèlement aux théories proprement pédagogiques, l’Émile comprend la célèbre Profession de foi du Vicaire savoyard (livre IV), qui fournit, sur les idées religieuses de Rousseau, de précieuses indications. Elle se voulait un modèle quant à la manière d’introduire les jeunes gens aux questions religieuses. Le personnage du vicaire savoyard mêlerait les caractères de deux religieux que Rousseau avait connu enfant : l’abbé Gaime, de Turin, et l’abbé Gâtier, d’Annecy.
Émile
En 1755, dans l’article « Économie politique » de l’Encyclopédie, Rousseau avait nettement affirmé qu’un peuple, et les individus qui le composent, ne sont que le produit des institutions politiques (« Où il n’y plus de patrie, il n’y a plus de citoyens. »). Il lui importe toutefois de « bricoler » une fiction éducative, afin de proposer à son siècle un modèle d’individu que son éducation a fait apte au contrat, un « homme naturel », ou vrai miroir du divin.
« Âme vénale ! Crois-tu donner à ton fils un autre père avec de l’argent ? »
Émile, élève imaginaire, sera « l’homme abstrait, l’homme en proie à tous les accidents de la vie humaine ». En cinq livres, on le suit du babil à l’âge adulte, sur une période de vingt-cinq ans ; on le voit passer de la dépendance naturelle à l’autonomie. Son éducation obéit à un grand principe : laisser une liberté se confronter aux nécessités de la nature. Jusqu’à l’âge de douze ans, début de l’adolescence, Émile fera ainsi par lui-même l’expérience de la Loi, en expérimentant celles de la nature, le précepteur écartant de lui toute obligation culturelle ou sociale, ne lui imposant rien qu’il n’en puisse saisir la rationalité. Or, la raison a une genèse : l’enfant est d’abord sens, et son vocabulaire ne doit pas être plus étendu que son expérience sensible. Certes, il importe de savoir lire et écrire, mais jusqu’à douze ans, pas de livres : l’oral prime, la parole vive est privilégiée.
À cette « raison sensitive ou puérile » succède en son temps « la raison intellectuelle ou humaine », et à « ces âges de nature » « l’âge de force » : trois années — de douze à quinze ans — exceptionnelles durant lesquelles la force physique et intellectuelle excède la puissance des besoins et des passions. Un seul livre est autorisé : Robinson Crusoé, pour l’utilité des savoirs pratiques qu’il fournit. Mais à partir de quinze ans, les passions s’éveillent, et avec elles le besoin obscur de raisons métaphysiques, comme l’exigence de règles morales : vient alors le moment du « Dieu sensible au cœur », dévoilé à Émile par le personnage du vicaire savoyard, (qui apparaît au livre IV dans un développement célèbre, Profession de foi du vicaire savoyard, consacré à l’éducation morale et religieuse de l’adolescent), Éros subordonné à la Divine Charité, Émile ainsi est digne de s’unir à Sophie, et prêt au bonheur dans la sainte chasteté du mariage.
« Comment éduquer un être humain à la liberté sous la contrainte ? » (Kant)
On a pu dire que Rousseau avait « inventé » l’enfance. Par-delà le brillant de la formule, certains principes éducatifs contenus dans l’Émile (« Préparez de loin sa liberté ») ont, de fait, fondé une tradition d’éducation non autoritaire, représentée, au XXe siècle en particulier, par l’« École émancipée » (libertaire), la pédagogie Freinet, les écoles « Montessori », le docteur Spock ou bien encore A. S. Neill et ses « libres enfants de Summerhill ». Reste toutefois un point décisif, que souligne Élisabeth Badinter dans l’Amour en plus : l’aristocrate joyeuse et libre du xviiie siècle, plus soucieuse de ses amants que de ses enfants, devient avec l’Émile une mère modeste et dévouée : « Plaire aux hommes, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce, voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès l’enfance » (Livre V). Ainsi, bien loin d’évoquer les figures féminines des scènes rococos — alors en vogue — d’un Boucher, d’un Fragonard, ou d’un Watteau, Sophie, la chaste compagne d’Émile, serait plus proche d’une vignette moraliste de Greuze. La démocratie se fonde ici sur l’exclusion des femmes. Voir aussi histoire de l’enfance ; histoire des femmes.
Livre I : 0/2 ans : L'enfance
Il est essentiellement traité, dans ce premier livre, du développement physique de l’enfant… Le livre I de l’Émile traite de l'enfant qui ne parle pas encore. Les gestes plus humbles de la nourrice sont déjà orientés vers la fin visée : empêcher que la nature ne soit contrariée et que l'enfant ne découvre qu'il peut commander par des signes.
Livre II : 2/12 ans : L’Enfance
Pour Rousseau, cet âge doit moins être celui des livres que celui où s’étendent et se multiplient les relations d’Émile avec le monde, de façon à développer les sens, et à habituer l’enfant à procéder, à partir des données sensibles, à des déductions.
Ce livre se conclut par l’exemple d’un garçon pour qui cette phase de l’éducation a réussi. Le père emmène l’enfant faire du cerf-volant, et lui demande de trouver la position du cerf-volant à partir de son ombre. Bien qu’on ne lui ait pas appris à le faire, l’enfant, ayant développé sa capacité de compréhension du monde physique, et sa capacité à procéder à des inférences, y parvient sans peine. (D’une certaine manière, il y a, dans cette approche les prémisses de la méthode Montessori).
Livre III : 12/15 ans : L'Âge de la Force
Ici, commence à se poser la question du choix d’un métier. Rousseau considère comme nécessaire l’apprentissage d’un métier manuel, moins pour des raisons économiques que pour des raisons sociales : l’apprentissage est un moyen idéal de socialisation
Livre IV : 15/20 ans : La Puberté
Le quatrième livre est particulièrement consacré à l’amour et à la religion. La Profession de foi du Vicaire savoyard – souvent éditée à part –, qui examine les origines de la foi, fut l’objet de multiples controverses.
Livre V : l’Âge Adulte : le mariage, la famille, et l’éducation des femmes
Moment de la rencontre de Sophie, qui constitue une transition entre le Livre IV - dans lequel le développement du corps produit l'ouverture sur autrui et l'éveil à la sexualité - et la fin de la pédagogie de Rousseau, qui consiste à former un citoyen juste. La rencontre de Sophie est à la fois rencontre amoureuse, mais aussi entrée dans la vie sociale, par le mariage et la vie de famille que cela suppose. Émile va devoir ,sur les prescriptions de son gouverneur, quitter momentanément Sophie, pour lui revenir citoyen. C'est là qu'apparaissent le moment des voyages d'une part, afin de comprendre les mœurs et usages d'autres peuples et ainsi pouvoir choisir les plus convenables, et le moment du résumé du « contrat social » ; ces deux étapes sont deux faces - l'une pratique, l'autre théorique - d'un même enseignement : assimiler les fondements et les raisons de la société civile, pourtant corrompue alors. Car où qu'Émile soit allé, c'est l'intérêt particulier, l'abus de pouvoir, et le dépérissement de l'État qui règne. Où habiter quand tout est corrompu ? Le choix sera le suivant : là où Émile est né ; Quel sera la fonction de l'homme éduqué selon la nature au milieu d'une institution pervertie ? Émile évitera au maximum cette perversion en habitant en campagne, là où les mœurs et les usages sont les plus stables ; sa mission sera d'exercer sa nature, c'est-à-dire être juste, et de fonder une famille avec Sophie. C'est le moment de la paternité d'Émile qui marque du reste la fin de son éducation.
( Azadunifr )
Émile ou De l'éducation de Jean-Jacques Rousseau [ sur le net ]
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