le siècle des lumières

Saturday, December 13, 2008


Gil Blas de Santillane et la controverse sur le plagiat

« Gil Blas de Santillane », qui parut en 1715, 2 vol. in-12, augmentés d'un 3° en 1724 et d'un 4° en 1735, mit enfin le sceau à sa réputation. On lui a contesté l'invention et la paternité de cet immortel roman; Bruxen de la Martinière et Voltaire après lui ont avancé que « Gil Blas » était entièrement tiré de l'espagnol; Voltaire assurait même que c'était une traduction de la « Vie de l'écuyer Obregon », par Vincent Espinel. Le P. Isla a prétendu aussi que « Gil Blas » est un ouvrage « volé à l'Espagne » par un Français. Dans son « Gil Blas », Le Sage s'est tellement identifié avec ses personnages, il a si bien pris la couleur locale, que l'Espagne s'y est reconnue, et que divers systèmes, diverses opinions ont été mis au jour pour lui disputer la paternité de ce chef-d'oeuvre. La diversité de ces systèmes, de ces opinions qui se contredisent tous, qui ne s'accordent en rien, et qui par conséquent se détruisent les uns par les autres, en démontre le faible échafaudage et la fausseté. François de Neufchâteau a lu à l'Académie française deux dissertations ayant pour but de défendre la nationalité française de « Gil Blas », et la paternité de Le Sage. La première, lue le 7 juillet 1818, et mise en tête de deux éditions de ce roman, 1819 et 1820, est intitulée « Examen de la question de savoir si Le Sage est l'auteur de Gil Blas, ou s'il l'a pris de l'espagnol ». L'auteur y réfuta d'abord les assertions injustes et erronées de Voltaire et de Brusen de La Martinière , qui ont avancé que Le Sage avait pris en entier son chef-d'oeuvre dans la « Relation de la vie de l'écuyer don Marc de Obregon », roman espagnol de Vincent Espinel, publié à Madrid, 1618, in-4°, et dont la 4° édition a paru aussi à Madrid, 1801, 2 vol. in-12, sans table de chapitres. Le Sage a emprunté quelques traits de ce roman pour son « Gil Blas », son « Estevanille » et son « Bachelier de Salamanque », mais il avait trop de goût pour en imiter les inconvenances et les grossièretés. L'assertion de Voltaire se trouve d'ailleurs anéantie par un autre système que François de Neufchâteau a combattu non moins victorieusement dans la même dissertation. Le P. Isla, jésuite espagnol, mort à Bologne en 1781 selon les uns, en 1783 selon les autres, est auteur de plusieurs ouvrages publiés de son vivant, et il a laissé une traduction espagnole du « Gil Blas » de Le Sage et d'une continuation donnée à ce roman par le chanoine Monti, à la suite d'une traduction italienne. Celle du P. Isla ne parut qu'en 1787, plusieurs années après la mort de l'auteur, et par conséquent sans sa participation. Ce n'est donc pas lui, mais un sot et avide éditeur qui, pour donner plus de vogue et de débit à la version espagnole, l'annonça, sur le titre et dans la préface, comme un ouvrage « volé à l'Espagne par Le Sage, et restitué à sa patrie et à sa langue naturelle par un espagnol zélé ». Llorente confirme cette opinion selon laquelle l'éditeur du P. Isla serait responsable de l'accusation de plagiat. Dans ses « Observations critiques sur le roman de Gil Blas », il cherche à prouver que « Gil Blas » n'est pas un ouvrage original, mais un démembrement des aventures du « Bachelier de Salamanque », manuscrit espagnol alors inédit, que Le Sage dépouilla de ses parties les plus précieuses pour son « Gil Blas », avant de publier le reste sous son titre primitif. Llorente ajoute, sans plus de fondement, que l'auteur espagnol est Antoine de Solis. Une réfutation de toutes ces accusations a été présentée dans l'édition des « Oeuvres de Lesage », publiée en 1821-1822 par A.-A Renouard, 12 vol. in-8°. Au surplus, il importe assez peu que Le Sage ait inventé le fond de son roman, ou qu'il en ait pris l'idée chez nos voisins, selon les uns, ou bien, suivant d'autres, dans notre ancien roman de « Francion »; ce qu'assurément il n'a dérobé à personne, c'est cette touche originale, cette admirable peinture des moeurs, ces caractères si bien tracés, cette foule de traits et de détails qui ne se trouvent avec la même profusion dans aucun autre ouvrage du même genre.

( Azadunifr )

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